Thomas Couture, originaire de Senlis, suit l’enseignement du baron Gros de 1830 à 1835, avant d’intégrer l’atelier de Paul Delaroche. Il arrive second au Prix de Rome de 1837, et se détourne alors de la tradition académique. Les Romains de la Décadence, exposé au Salon de 1847, lui vaut une médaille de première classe. Le tableau, acheté par l’État, lui permet d’accéder à la notoriété. Les critiques y voient une synthèse des styles classique et romantique, un exemple du « juste milieu ». Il ouvre un atelier et reçoit d’importantes commandes officielles, telles que L’Enrôlement des Volontaires en 1848, et Le Baptême du Prince Impérial en 1856, laissées en partie inachevées. Pendant les années 1850, Couture bénéficie du soutien du pouvoir en place. La fin de cette décennie marque un tournant majeur dans sa carrière. Une campagne de presse menée contre lui en 1857, remettant en cause son intégrité, le pousse à se retirer dans sa ville natale dès 1860. Il travaille alors dans un atelier que la ville de Senlis met à sa disposition : la chapelle de l’ancien palais épiscopal, devenu musée depuis 1981.
La représentation de la figure humaine est indissociable de l’art de Couture, qui peint tout au long de sa carrière de nombreux portraits. La notoriété acquise avec Les Romains de la Décadence lui apporte une clientèle d’aristocrates, de bourgeois, d’intellectuels et d’artistes dans les premières années du Second Empire. En 1848, Couture, à l’apogée de sa gloire, est sollicité pour faire le portrait d’une des figures du moment : Alphonse de Lamartine. Romancier et poète romantique, auteur des Méditations poétiques (1820), Lamartine est aussi une figure politique majeure de la monarchie de Juillet. Député depuis 1833, il est l’un des chefs de l’opposition au régime de Louis-Philippe à partir de 1842. Il joue un rôle capital dans la révolution de 1848, et proclame la Seconde République. Membre du gouvernement provisoire, il occupe quelques mois le poste de ministre des Affaires étrangères. Lamartine jouit alors d’une immense popularité, mais celle-ci ne dure qu’un temps, avant son échec à l’élection présidentielle de décembre 1848 où il n’obtient que 0,26% des voix face au triomphe de Louis-Napoléon Bonaparte. Il se retire alors de la vie politique.
Couture cherche à représenter une personnalité publique de premier ordre. La volonté de peindre le modèle en pied témoigne de son importance, l’artiste privilégiant à cette époque les portraits en buste face à la multitude de commandes. Le tableau final ne verra pourtant jamais le jour, sans doute à cause du revers de fortune de Lamartine. On en connaît une esquisse en buste (ill. 1) conservée au musée de Genève, et notre dessin qui constitue l’ébauche de la composition finale.