Allemand d’origine, Henri Lehmann arrive à Paris en 1831 et entre dans l’atelier d’Ingres. Il débute au Salon en 1835 avant de partir retrouver son maitre à Rome en compagnie de Théodore Chasseriau en 1839. De retour à Paris en 1842, il mène une carrière de peintre officiel divisant sa production entre portraits, tableaux de chevalet et grands décors. Hériter de la culture « ingriste » Lehmann garde de son la primauté du dessin et le goût d’un beau idéal. Il présente toutefois quelques affinités avec le mouvement romantique dans la dramaturgie et la théâtralité de ses compositions. Si Henri Lehmann incarne la tradition il comptera dans ses élèves des artistes parmi les plus innovants de leur génération : des symbolistes comme Aman-Jean ou Séon, mais surtout Georges Seurat.
Peintre classique, il reste fidèle à la tradition académique pour élaborer ses œuvres multipliant les études et esquisses préparatoires. Partant de l’étude isolée du modèle nu, il le dessine ensuite habillé avant d’établir sa composition finale. Il mélange souvent crayon noir et sanguine dans ces études au tracé ferme et puissant. Nos dessins s’inscrivent donc dans ce processus opératoires dont ils constituent par leur force, leur intensité et leur lumière un des plus bel exemple.
L’ensemble de ces feuilles prépare le décor réalisé par l’artiste dans l’hémicycle de la chapelle de l’Institution des Jeunes Aveugles. Située au 56 Boulevard des Invalides à Paris, le bâtiment dessiné par l’architecte Philippon était achevé en 1843. La commande faite par l’état à Lehmann est donc son premier grand chantier au retour d’Italie qui l’occupera de 1843 à 1850. L’artiste s’acquittera avec brio de ces travaux, remportant louanges et admiration de la critique.