Henri Le Sidaner se forme à l’École des beaux-arts de Paris et dans l’atelier d’Alexandre Cabanel. En 1892, une bourse lui permet de voyager en Italie et en Hollande. De retour à Paris en 1894, il fait la connaissance d’artistes proches du symbolisme, tels que Camille Mauclair, Emile Verhaeren et Georges Rodenbach. Entre 1895 et 1897, Le Sidaner s’intéresse à la lumière : il se rend certains soirs, accompagné de Mauclair, sur les bords de Seine et tente de reproduire les effets du crépuscule dans une facture impressionniste. Il emploie une touche divisée, proche de celle d’Henri Martin et s’inspire des thèmes oniriques de Pierre Puvis de Chavannes.
Tracé près d’Étaples, en 1895, notre dessin est emblématique des emprunts de Le Sidaner au symbolisme. Une silhouette, la tête baissée dans une attitude recueillie, se dresse seule - saisissante apparition au milieu d’un paysage désolé. Le Sidaner renforce l’atmosphère irréelle et onirique de notre dessin, en faisant surgir les formes par l’imbrication des effets d’ombres et de lumière, sans avoir recours à la ligne. La technique graphique évoque les dessins « noirs » de Georges Seurat jouant sur les frottements du fusain sur le papier pour créer de forts effets de clair-obscur. Les passages répétés et légers du crayon accrochent les aspérités du papier laissant apparaître le blanc de la feuille dans le creux. Il peut ainsi esquisser les formes et moduler les effets d’ombre et de lumière. Les figures se détachent alors avec mystère et force.
L’œuvre de Le Sidaner offre un écho troublant aux vers du poète Maurice Maeterlinck (1862 – 1949) : celui d’un univers ouaté, « au seuil des nuits sans trêves », sous un « clair de lune qui pleure », imprégné d’une « mystique prière blanche »1.